« Il n’y a pas de hasard, il n’y a que des rendez-vous »
Cette citation de Paul Eluard résume bien ma transat retour en solitaire entre la Martinique et la Bretagne. En quittant Fort de France, ma mission était claire : ramener le bateau en solitaire dans les temps de la qualification au Vendée Globe. Mais il y a eu d’autres défis. J’avais sous-estimé la difficulté de repartir en solitaire en IMOCA pour la première fois depuis mon naufrage sur la Route du Rhum. Qu’il fut difficile, lors des premiers jours, de retrouver la confiance en moi-même et de créer une relation avec mon nouveau bateau. Qu’il fut également difficile de naviguer dans les dépressions de l’Atlantique Nord sans liaison satellite – du fait de deux antennes mal connectées – et de ne pas avoir les positions des autres concurrents. Positionner le reste de la flotte est une aide indispensable à la stratégie mais aussi une aide psychologique : quand du vent fort est annoncé, on lit les trajectoires des uns et des autres et s’inspirer parfois du voisin n’est pas une mauvaise chose. Faire du nord pour aller dans du vent plus fort sans atteindre les limites de sécurité du bateau ou au contraire rester prudemment plus au sud. Mais finalement, cette panne de satellite fut une chance. « Il n’y a pas de hasard, il n’y a que des rendez-vous ». L’occasion d’une déconnexion complète avec la terre et le reste de la flotte, l’occasion de sortir radicalement de l’espace – temps de la terre, chose de moins en moins évidente sur nos bateaux toujours connectés. L’occasion d’un rendez-vous avec moi-même pour peu à peu apprivoiser mon bateau, renouer avec le large et me projeter sur une circumnavigation de trois mois autour du monde l’an prochain.
L’océan fut magnifique chemin faisant : bleu turquoise dans l’Alizé, bleu gris en bordure des hautes pressions et gris dans les dépressions. Le nuancier de ses couleurs permettrait d’établir la cartographie du retour et des grands espaces traversés.
La dernière nuit m’a permis de terminer ce long périple sur une bonne note avec enfin l’impression de lâcher prise et de pousser mon bateau. La ligne d’arrivée approchant, plus rien à faire des sujets de fiabilité du bateau, on pouvait enfin lâcher les chevaux. Les dernières heures furent grisantes et à grande vitesse. Cette petite étincelle sportive va permettre d’entretenir précieusement la flamme au cœur de l’hiver et d’imaginer une grande année 2024 avec le Vendée Globe en ligne de mire. Merci à mes partenaires pour leur soutien et leur confiance. Et merci à Loïc, Jérémie, Markus, Mathis, Ronan, aux équipes de Skysat sans qui cela n’aurait pas été possible. En 2024 j’ai rendez-vous avec le Vendée Globe, j’ai rendez-vous avec moi-même pour une grande aventure et j’ai rendez-vous avec vous pour partager la magie du large et la beauté des océans.
Fabrice